Etat des lieux des évolutions législatives européennes en matière de finance durable – focus sur l’activité immobilière

Depuis ces trois dernières années, la finance durable est devenue une des priorités de la politique de la Commission européenne. Ceci s’est traduit par la mise en place du plan d’action de l’UE pour le financement de la croissance durable et de son groupe d’experts techniques (le TEG) en mars 2018. Deux mois plus tard, le TEG a formulé quatre axes dans des propositions législatives, à savoir, la Taxinomie des activités vertes, le Green Bond Standard, le Benchmark des stratégies d’investissement bas carbone et ESG ainsi que les lignes directrices et obligations de reporting ESG. Le travail du TEG a abouti à la publication de trois rapports le 18 juin 2019 : Taxinomie, Green Bonds Standard et Climate Change Benchmark and Benchmark’s ESG Disclosures. L’objectif de ces travaux de la Commission Européenne est d’encourager et orienter davantage les investissements du secteur privé vers le développement durable. Pour ce faire, le TEG travaille sur la proposition d’outils clairs et simples à destination des investisseurs et organismes souhaitant effectuer des placements dans des activités durables. Dans ce décryptage, nous allons identifier les enjeux relatifs aux acteurs de l’immobilier  décrits dans le rapport sur la taxinomie.                 

Taxinomie : un système d’identification des activités durables

La taxinomie a pour objectif de devenir un référentiel européen à destination des investisseurs et entreprises souhaitant identifier les activités qui génèrent des bénéfices environnementaux. Il s’agit donc de faire une classification des activités respectueuses de l’environnement et pouvant à ce titre faire partie des fonds dit « verts ». Le rapport décrit les critères techniques d’éligibilité à la Taxinomie de 67 activités. Ces dernières étant regroupées dans 7 grands secteurs : agriculture, forêt, production industrielle, énergie, transports, eau, déchets, immobilier et technologie de l’information. L’ambition finale est de créer un dictionnaire des activités vertes pour éviter toute tentative de greenwashing et par la même occasion, de montrer que l’intégration des enjeux environnementaux est un outil de maîtrise des risques. A titre d’exemple, pour les acteurs immobiliers, il s’agirait du risque de dépréciation de la valeur des immeubles. Le Professeur de risque opérationnel, bancaire et financier à l’Université de Dublin, Andreas Hoepner, membre du TEG, explique que la Taxinomie peut contribuer à un capitalisme sans conflit. Autrement dit, il estime que si tout investisseur pratiquait une transparence totale des risques et une mesure précise du rendement par unité de mesure, cela pourrait procurer une performance plus importante aux clients. C’est pourquoi une transparence totale du risque est cruciale pour mesurer et comprendre les avantages d’un investissement durable.  Taxinomie : que dit-on sur l’industrie immobilière ? La construction et l’activité immobilière sont abordées à travers une vingtaine de pages dans le rapport sur la taxinomie à travers lesquelles le TEG étudie le contexte actuel et propose des recommandations en ce qui concerne l’investissement immobilier en ligne avec la finance durable. Pour qu’un bâtiment soit considéré « vert » selon les exigences de la Taxinomie, deux critères s’appliquent :

  • DNSH (Do No Significant Harm) : démontrer que le bâtiment apporte une contribution à l’un des 6 objectifs environnementaux fixés par l’UE sans avoir d’impact préjudiciable sur aucun des 5 autres. Les objectifs en question étant l’atténuation du changement climatique, l’adaptation au changement climatique, la gestion de l’eau, l’économie circulaire, la pollution et la biodiversité.
  • le top 15% du parc immobilier local (résidentiel et non résidentiel): faire partie des 15% d’actifs les plus vertueux en termes de performance énergétique et d’émissions de GES, à l’échelle locale.

Enfin, le secteur du bâtiment dans son ensemble est traité via 4 approches citées ci-dessous, pour lesquelles il est défini des seuils d’éligibilité. On retient également que l’industrie immobilière manque grandement de données en termes d’émissions de GES. Pour cette raison, le TEG décide de ne pas fixer de seuil ni de critères relatifs aux émissions de GES mais plutôt d’améliorer les réglementations et standards nationaux existants. Il s’agit d’une période transitoire avant de pouvoir fixer des seuils absolus. La définition de ces seuils absolus se fera grâce à une étude comparative des top 15% des bâtiments les plus vertueux en termes de performance énergétique et d’émissions de GES par rapport à une moyenne locale. Taxinomie : des éléments à préciser Malgré les réalisations ambitieuses de la Commission européenne en termes de Finance durable, le rapport sur la Taxinomie soulève quelques points de discussion. Concernant les seuils absolus, il est expliqué qu’ils seront calculés sur la base des 15% des bâtiments les plus vertueux en termes de performance énergétique et d’émissions de GES par rapport à une moyenne locale. Le terme « local » ici reste à définir. Le poids carbone dans le domaine de la construction ne sera abordé qu’une fois la base de données sur les émissions de GES enrichie, donc assez tardivement.  Aspect qui peut frustrer certains acteurs de l’immobilier souhaitant avancer sur ce sujet. Aussi, la méthodologie de classification des activités décrite par la Taxinomie reste très complexe et peut causer des confusions. Le professeur Andreas Hoepner explique que les classifications par secteur d’activité peuvent devenir superflues dans la mesure où l’on suppose que « une entreprise = un secteur ». En effet, les grandes entreprises opèrent souvent sur plusieurs secteurs. A titre d’exemple, on peut se demander si E.Leclerc doit être classifié comme un commerçant alimentaire ou comme un distributeur de carburant.

Taxinomie : les prochaines échéances

Le rapport du TEG sur la Taxinomie des activités vertes est mis en consultation pour avis public jusqu’au 13 septembre 2019. Etant considérée comme un instrument évolutif qui doit être évalué et adapté régulièrement, les parties concernées par la Taxinomie mais également le grand public sont invités à faire des recommandations. Pour faire suite au contenu du rapport, une étude de la DG ENR, est attendue à l’automne 2019, qui contiendra des travaux complémentaires relatifs à l’élaboration des seuils absolus sur l’efficacité énergétique.

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